Caroline Loeb, née le 5 à Neuilly-sur-Seine, est une actrice, animatrice de radio, chanteuse, metteuse en scène, auteure et parolière française. Elle est l’interprète du tube des années 1980 C’est la ouate, mis en musique par Philippe Chany, dont elle a écrit les paroles avec Pierre Grillet.
Au Passage Des Artistes, nous vous proposons de partager avec vous un moment d’échange avec Caroline Loeb.
Bonjour Caroline, Je suis ravie de t’accueillir sur notre Web Magazine « Au Passage Des Artistes ».
Djazia: Baignée depuis l’enfance dans un milieu artistique et culturel, comment s’est fixé ton choix sur le Théâtre au départ ?
Caroline : Ma mère a toujours énormément lu et écouté de la musique, et grâce à elle, c’est vrai qu’on a baigné dans la culture dès l’enfance. Elle écoutait beaucoup d’opéra, et toute petite, je suis devenue dingue de Mozart et Verdi. Mes parents m’ont emmenée à l’opéra très jeune et l’opéra a été mon premier grand choc théâtral. Puis, j’ai été très cinéphile, je passais mon temps la Cinémathèque, et je rêvais devant les stars hollywoodiennes des années 30, 40 et 50. C’est donc tout naturellement que mon bac en poche, j’ai été m’inscrire au cours Forent.
Quel souvenir en gardes-tu ?
Je rêvais d’entrer au Conservatoire, et j’ai passé les concours trois fois ! J’ai été recalée, mais je passais mon temps avec ceux qui avaient été admis, au bistrot du coin. J’avais passé des scènes assez gonflées, du Copi (Loretta Strong), un rôle de mec dans une pièce moderne et un rôle qui avait été interprété par Maria Casares âgée… Je n’étais pas très intéressée par les jeunes premières (rires)
Et puis il y avait eu un stage avec Francis Huster qui m’avait permis de rencontrer Isabelle Adjani, un moment très émouvant. Chez Florent, j’ai rencontré des comédiens extraordinaires que j’ai continué à suivre, Jean-Pierre Darroussin, Charlie Nelson, Sabine Haudepin. Puis j’ai été chez Jean-Louis Martin-Barbaz, qui était un extraordinaire professeur.
Entre 83 et 93 environ, tu prends une direction musicale, un choix ? Une opportunité ? Un hasard ?
Plutôt une opportunité. J’écoutais beaucoup Gainsbourg et j’avais commencé à écrire des textes de chansons lorsque j’ai rencontré Michael Zilkha qui avait le label Z Records, sur lequel il y avait des artistes comme Kid Creole & the Coconuts, que j’adorais. Il a flashé sur mes textes, m’a proposé d’enregistrer un album, et de le faire à New York, la ville de mon enfance. On a enregistré dans le studio mythique de Jimmy Hendrix, Electric Lady Land. C’était la première fois que j’allais en studio et j’avoue que j’étais un peu perdue. Je n’y connaissais rien. J’avais fait du théâtre et du cinéma, mais être en studio était totalement nouveau pour moi. L’album a été produit par Ronnie Rogers qui travaillait avec August Darnel pour Kid Creole, etc c’est comme ça que ses mutines, qui enregistraient un album dans le studio d’à côté, sont venues jouer sur mon album. A l’époque, je bossais avec Mondino, du coup c’est lui qui m’a fait la belle photo de la pochette!
Mise en scène, cinéma, écriture, stylisme et tant d’autres choses que tu sais faire, mais si tu devais faire un seul choix quel serait-il ?
Ha ! Ha ! On me pose souvent la question ! Ce que j’aime, c’est passer d’une chose à l’autre, parfois même dans la même journée.
Comme j’ai été styliste photo pour Mondino et Gainsbourg, ça m’a été très utile quand j’ai commencé à faire de la mise en scène; je savais où chercher les éléments pour un décor, où chercher des fringues pour les comédiens ou chanteurs. Pour moi, toutes ces formes d’expression se complètent. J’ai commencé à chanter parce que j’écrivais mes textes. Chaque forme d’expression procure un plaisir à la fois différent et complémentaire. Comme je suis comédienne, je crois que je sais quoi dire aux comédiens quand je les dirige. Par ailleurs, avec une éducation américaine, ça m’a toujours semblé évident et naturel de faire toutes ces choses parallèlement.
Artiste engagée ? (même si je n’aime pas vraiment ce terme) y a t’il des causes que tu défends sur scène grâce à ton métier ?
Moi non plus je n’aime pas tellement ce terme. Forcément je défends des idées et une vision de la vie, mais à part quelques exceptions, comme Les monologues du vagin, un grand spectacle féministe, je n’aime pas tellement les oeuvres militantes. Je pense profondément que l’art se passe par delà le bien et le mal. Dans le militantisme il y a souvent quelque chose de moralisateur, et je n’aime pas ça. Il me semble que la vibration artistique est plus subtile, plus profonde, et que le volontarisme n’a pas sa place dans la création. Ce qui est le plus important c’est que les gens soient émus. C’est par l’émotion qu’on peut toucher les autres. Ce que j’aime au théâtre, c’est que c’est physique. Les corps des comédiens qui résonnent avec les corps du public. Un des très beaux spectacles que j’ai vu ces dernières années était Les chatouilles d’Andréa Bescond et Eric Métayer. On pourrait dire que c’est un spectacle militant (sur la pédophilie), mais il est tellement intelligemment écrit et incarné qu’on rit comme on pleure, et que finalement on est bouleversés. C’est par l’émotion, par le corps que les idées percutent.
George Sand, Françoise Sagan… as tu de nouveaux projets pour remettre en lumière ces icônes de la littérature, mais pas seulement… Des Femmes libres et passionnées.
Evidemment beaucoup de femmes de cette trempe m’ont inspirées et nourrie, et j’ai adoré faire mes spectacles sur Sand et Sagan. J’ai tout un panthéon de super copines ! De Dorothy Parker à Marlene Dietrich en passant par Josephine Baker, Mae West ou Arletty ! Je ne sais pas si je referai un spectacle autour de l’une de ses femmes, même si je rêve de jouer des textes de Dorothy Parker qui m’a beaucoup marquée. Je ne veux pas que ça devienne un système. Je me laisse porter par les envies, les rencontres et puis il faut aussi trouver l’angle ! Toutes ces femmes m’ont autorisée à être moi-même en fait ! Et que ce soit George Sand ou Françoise Sagan, cette liberté qui était la leur fait du bien à tout le monde. Aux femmes, comme aux hommes, aux artistes et à tout un chacun. On a besoin de gens qui nous ouvrent des horizons. Je crois que c’est un des effets des oeuvres d’art : être des révélateurs.
Merci Caroline Loeb pour cette parenthèse, d’ailleurs comment gères tu cette parenthèse virale et le confinement ?
J’avoue que le premier moment de sidération passé, ça a été pour moi un grand souffle de liberté. On est tellement pris par la vitesse, quasiment l’hystérie de produire toujours, occuper le terrain et ce genre choses… Le fait que tout s’arrête brutalement m’a fait un bien fou. Et puis ça oblige à se poser des questions fondamentales. Pourquoi on fait tout ça ? Qui ça intéresse ? A quoi ça sert ?
Et puis un matin j’ai eu une idée. Je me suis dit que C’est la ouate, mon tube des années 80 était raccord avec cette situation de confinement. J’ai donc proposé aux copains ou aux fans de se filmer chez eux avec leur ordinateur ou leur smartphone, de nous envoyer les images, à moi et Dmitry Zhikov, un jeune réalisateur/photographe russe vivant à Miami… et le résultat a été étonnant !
On a reçu des vidéos d’Italie, du Maroc, de Tunisie, d’Israël, de Majorque, de Russie, de Bali, des USA, de Belgique, de Suisse, d’Inde, d’Argentine, d’Angleterre et de Chine ! Des gens de tous les horizons se sont amusés à se filmer, qui dans sa salle de bains, qui dans sa cuisine, qui dans son salon, à sa fenêtre ou sur sa terrasse…
De Jean-Paul Gaultier à Irié, de Philippe Lelièvre(comédien/metteur en scène) à Bruno Agati (chorégraphe et danseur), de Lolly Wish à Maud Amour (chanteuses et glamour girls), de Guy Cuevas (le DJ iconique du Club 7, du Palace et des Bains douches) à Zize, Brontis Jodorowsky, Marilù Marini, Maria Carmen Varga (comédiens) ou Philippe Mesuron ainsi que Fabrice Bonnot (cuisiniers), Thierry Colby, Isabelle Layer, Guillaume Aubert et Laurent Petitguillaume(journalistes et/ou animateurs radio ou télé) et plein d’autres, plus de 120 personnes ont joué le jeu et envoyé leur vidéo. On s’est beaucoup amusés, eux aussi, et le clip a l’air de plaire à beaucoup de gens ! Ça fait plaisir de partager de la fantaisie et de la joie avec le public dans cette période compliquée ! Et ça fait un bien fou de continuer à créer, quelles que soient les circonstances !