Quelques notes de musique et me voilà projetée dans les abîmes de mes souvenirs, des échos que je n’entendais plus, sont arrivés par la scène du Théâtre du 13ème Art. Des parfums de mon enfance jusqu’au au sable de la plage, les chuchotements craintifs de liberté ont formé un tsunami d’espoir. Dans la profondeur de la scène du Théâtre, se tissent les fils de l’altérité, tiraillés entre les rives de la Méditerranée.
Ibrahim Maalouf, virtuose de la trompette, et Thibault de Montalembert, porteur des mots de Kamel Daoud, dessinent les contours d’une amitié entre les notes et les pages. « Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute » entrelace les réalités, affronte les divergences, et réveille les consciences et même les inconsciences. Il est certain que c’est dans la dissemblance que les plus belles relations se construisent explique l’Auteure de la pièce : Denise Chalem
Le corps n’est pas une saleté, ce n’est pas le crime de mes parents. Ce n’est pas un fardeau
Il est bien évidement question d’amitié, elle se noue dans l’opposition et le contraste, elle laisse le public le choix de sa propre liberté . La condition des femmes est le noyau central du sujet; la tradition patriarcale, l’amour charnel, et le poids d’une société impitoyable exercé sans répit sur le corps des ces femmes noyées dans la culpabilité. La pièce y aborde l’interdit et ses contradictions, la réprimande et les tabous y sont dissout avec réalisme, une fatalité fracassante, lorsque dans le public, je suis assise confortablement, les souvenirs remontent à la surface à la fois avec bonheur et amertume, la colère s’invite sans faire-part et danse inlassablement dans ma tête …
Au cœur de cette merveilleuse pièce, l’écho des chroniques politiques résonne, illuminant les tréfonds de la révolte et de la liberté. Sous les feux des projecteurs, Sarah-Jane Sauvegrain incarne une femme alerte, en lutte permanente, un cri de rébellion dans un monde qui voudrait l’ effacer. Sarah Jane Sauvegrain murmure sa douleur à qui veut bien l’entendre, elle est cet étendard qui se dresse fièrement contre l’obscurantisme ravageur, et les fossoyeurs de son intégrité.
Entre les lignes, se dessine le portrait d’une humanité en quête de sens, naviguant entre les remous de la tradition et les élans de la modernité.
“Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute” transcende toutefois les frontières pour mieux interroger notre commune humanité, dans un ballet envoûtant entre les notes de la trompette et les mots ciselés de l’écrivain
Le corps n’est pas le lieu de vos guerres mais l’espace de mes rencontres
L’interprétation des comédiens dans “Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute” est tout simplement remarquable, captivant le public dès les premières répliques et le tenant en haleine jusqu’au rideau final. Thibault de Montalembert, dans le rôle de l’écrivain et chroniqueur, incarne avec une profondeur saisissante la complexité de son personnage ( Kamel Daoud) . Sa présence scénique imposante et sa capacité à naviguer avec subtilité entre les nuances du dialogue permettent au spectateur de s’immerger pleinement dans le monde de Kamel Daoud. Il captive par son jeu nuancé, oscillant entre la passion et la retenue, la colère, la nostalgie et la tendresse malgré tout
Ibrahim Maalouf, pour sa première expérience sur les planches, surprend et séduit par sa performance juste et émouvante. En tant que musicien de renom, il apporte une sensibilité particulière à son personnage, des reliefs qui téléporte la pièce de la gravité à la douceur, incarnant avec finesse les émotions et les tourments de l’artiste en quête de réponse . Sa présence magnétique et son charisme naturel captivent le public, ajoutant une dimension supplémentaire à la pièce. Quant à Sarah-Jane Sauvegrain, son interprétation est tout simplement bouleversante. Elle donne vie avec intensité et authenticité au personnage de la femme en lutte, délivrant un jeu d’une force dramatique remarquable. Sa capacité à exprimer la vulnérabilité et la résilience de son personnage m’a bouleversé en tant que femme, en tant Algérienne, en tant que survivante
L’alchimie entre ces trois talentueux comédiens crée une dynamique unique sur scène, où chaque échange, chaque regard, chaque geste, chaque silence, contribue à tisser une toile complexe de l’histoire. Leur complicité et leur engagement sont palpables, transportant le public dans un voyage captivant à travers les méandres de l’amitié, de la révolte et de la liberté.
L’interprétation brillante des comédiens donne toute sa profondeur, sa complexité, sa dualité et son intensité, offrant au public un instant d’émotion unique à travers l’histoire de ceux qui l’ont vécue. Un grand merci à l’extraordinaire Denise Chalem, à son talent d’Auteure, à sa plume inspirée ( les chroniques de Kamel Daoud) que je souhaite inspirante…Denise Chalem possède un don exceptionnel pour capturer les nuances de l’âme humaine et les dynamiques complexes des relations interpersonnelles.
Dans “Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute”, elle explore avec finesse et nuance les thèmes universels de l’amitié, de la révolte et de la liberté, tout en ancrant son récit dans une réalité palpable et émouvante, celle de la conditions des FEMMES. Son écriture, à la fois poétique et incisive, offre aux comédiens un matériau riche, leur permettant d’explorer pleinement la psychologie de leurs personnages et de donner vie à leurs tourments, leurs espoirs et leurs aspirations
Mais au-delà de son talent littéraire, Denise Chalem se distingue également par sa capacité à aborder des sujets complexes et parfois délicats avec une grande sensibilité et une profonde humanité. Dans “Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute”, elle ne se contente pas d’évoquer les luttes et les dilemmes de ses personnages, mais elle les confronte avec courage et lucidité, offrant ainsi au public un miroir dans lequel chacun peut se reconnaître et s’interroger sur sa propre existence.
Une ode à l’amitié, à l’humanité et avant tout à la liberté. De Mostghanem à Paris, les cris des survivants résonnent à présent pour faire faire trembler les murs des interdictions! Un sirocco d’espoir souffle sur la scène du Théâtre du 13ème Art, et en moi résonne les cris et le courage d’Amel Zenoune en ce triste 26 janvier 1997.. Cette Algérie de l’horreur hante mes nuits 27 ans après et marquera à jamais les tristes pages de l’histoire tombées sur des amnésiques chronique, logés dans les méandres de la manipulation…
« Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute”
Actuellement au Théâtre du 13ème Art
Artistes : Ibrahim Maalouf, Thibault de Montalembert , Sarah Jane Sauvegrain
Auteure et Metteuse en scène : Denise Chalem
Relation Presse : Zelcer Pascal – Isabelle Beranger
Crédit photo portrait : @Fabienne Rappeneau