
Il y a des comédiennes qui ne jouent pas. Elles incarnent. Elles habitent l’écran avec une intensité si brute qu’on oublie qu’il s’agit d’un rôle. Émilie Dequenne était de celles-là. Une actrice née, une femme qui ne trichait jamais, une présence qui brûlait la pellicule autant que les cœurs.
Une ascension fulgurante
Née le 29 août 1981 à Belœil, en Belgique, Émilie Dequenne n’a que 18 ans lorsqu’elle décroche le rôle de Rosetta, héroïne d’une rage absolue imaginée par les frères Dardenne. Ce rôle bouleversant, celui d’une jeune fille livrée à une survie âpre et sans concession, lui vaut la consécration immédiate : le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 1999. Une première apparition au cinéma, et déjà l’histoire s’écrit en lettres d’or.
Mais Émilie ne s’est jamais laissée enfermer. Là où d’autres auraient pu être écrasées par un tel départ, elle, au contraire, a su tracer sa route avec une intelligence et une audace rares.
Des rôles forts, des choix engagés
Elle enchaîne les rôles marquants, révélant à chaque film une palette toujours plus riche. En 2009, elle incarne la troublante Fille du RER sous la direction d’André Téchiné. Trois ans plus tard, en 2012, elle explose dans À perdre la raison de Joachim Lafosse, un rôle qui lui vaut le prix d’interprétation dans la section Un Certain Regard à Cannes. Son jeu, à la fois puissant et d’une sensibilité à vif, bouleverse.
Émilie aimait les rôles qui bousculent, les histoires qui remuent. Elle brillait dans des films aussi variés que Pas son genre de Lucas Belvaux (2014), où elle incarne une coiffeuse amoureuse d’un intellectuel, ou Numéro Une de Tonie Marshall (2017), où elle se glisse dans la peau d’une femme d’affaires se battant dans un monde d’hommes
Un dernier combat, une dernière preuve de force
En 2023, la vie a placé sur son chemin l’épreuve la plus redoutable. Un cancer endocrinien, aussi rare qu’impitoyable. Émilie a affronté la maladie comme elle a toujours vécu : avec courage, avec franchise, avec cette force brute qui lui appartenait. Elle a partagé son combat sans faux-semblants, consciente de l’inéluctable, mais jamais résignée.
Le 16 mars 2025, son corps s’est éteint. Mais son regard, lui, continuera de nous hanter. Ses rôles, ses éclats de rire, ses silences habités resteront gravés dans la mémoire du cinéma.
Émilie Dequenne n’est pas partie. Elle danse encore quelque part, libre et lumineuse, comme elle l’a toujours été.
Credit photo : AFP