Sophie Forte, artiste aux multiples talents, a débuté par des études d’architecture d’intérieur avant de se lancer dans une carrière diversifiée. Elle a remporté le premier prix au Cours René Simon en 1989, puis s’est distinguée en tant qu’humoriste à la télévision et à la radio, tout en se produisant sur scène. Au cours des années 2000, elle a sorti des albums musicaux destinés aux enfants et joué dans des pièces de théâtre. Dans les années 2010, elle a écrit et monté ses propres pièces, explorant une variété de sujets. Depuis 2020, elle incarne Françoise Dolto dans une pièce de théâtre à succès. En 2021, elle a publié un roman intitulé “La Valise”. Sophie Forte a également une filmographie et une carrière théâtrale riche en diverses productions que nous évoquons AU PASSAGE DES ARTISTES
Art Scène Radio : Sophie, votre carrière a embrassé de nombreuses facettes, de l’architecture d’intérieur à la comédie et la musique. Comment avez-vous navigué entre ces mondes divers ?
Sophie Forte : Il a bien sûr fallu faire des choix, mais ces choix ont été souvent guidés par des rencontres, des hasards, des fenêtres qui s’ouvraient soudain et que je n’avais pas vu auparavant. Je me laisse beaucoup guider par mon instinct, je vais où le vent me mène. Je ne suis pas carriériste, je n’ai jamais eu de « plan de carrière », ni de plan de vie. Quand je sentais que j’étais au bon endroit au bon moment, je fonçais. Quitte à aller parfois dans le mur. Je ne veux pas avoir de regret, j’ai fait plein de choses différentes, certes, mais toujours avec passion et envie. Et puis parfois, je me lassais…Je sais bien que pour réussir il faut souvent enfoncer le clou au même endroit. Disons que j’ai enfoncé plein de petits clous, car ce qui me guide avant tout, c’est la curiosité, la soif d’aventure, le goût d’apprendre aussi
Art Scène Radio : Quel a été le moment décisif où vous avez su que vous vouliez vous lancer dans le monde du spectacle ?
Sophie Forte : Après les études d’architecture d’intérieur, j’ai travaillé pour un architecte à Lyon. J’avais pris des cours de théâtre de ci de la, mais aucun cours ne m’avait vraiment convaincu. Et puis surtout, je ne voulais pas vraiment m’avouer que je voulais devenir comédienne, c’était comme une facette narcissique de moi même dont j’avais un peu honte. Je ne me sentais absolument pas à la hauteur. Pareil pour les écrits. J’écrivais depuis que je savais tenir un stylo, mais personne n’avait jamais rien lu de moi, pas même mes parents. À part peut être un prof de français qui me répétait que j’étais très douée. Je suis donc dans ce cabinet d’architectes où je m’ennuie ferme, et je fais le clown toute la journée pour faire rire mes camarades. Jusqu’au jour où le patron m’a suggéré d’aller faire le clown ailleurs. J’avais 23 ans, je me suis enfin décidée à quitter Lyon et le cocon familial pour m’inscrire aux cours René Simon à Paris. Et là, dès que j’ai mis un pied sur scène, j’ai su! Une révélation !
Il y a plein d’anecdote amusantes, je pourrais écrire un bouquin!
Art Scène Radio : Pouvez-vous partager une anecdote amusante des coulisses d’une de vos performances ?
Sophie Forte : Il y a plein d’anecdotes amusantes, je pourrais écrire un bouquin! …J’avais un metteur en scène un peu fou. Je jouais alors mon one woman show au théâtre Grevin. À un moment, je devais aller prendre un objet sur une petite table en coulisses, et le ramener sur scène. Comme d’habitude, j’ai tendu la main pour attraper l’objet et j’ai senti quelque chose d’inhabituel : les fesses de mon metteur en scène ! J’ai hurlé de peur, puis de rire, et j’ai du expliquer au public ce qui venait de se passer car mon fou rire ne me lâchait plus…
Votre album “Maman dit qu’il ne faut pas” s’adresse aux enfants. Quelle est la chose la plus folle que l’une de vos filles vous ait dite après l’avoir écouté ?
Je ne me souviens pas d’une chose folle en particulier qu’une de mes filles m’ait dite par rapport à une de mes chansons pour enfants. Ce que je sais, c’est qu’elles m’ont bien souvent inspiré des chansons, sur leurs questionnements, leurs peurs, sur ce qui les amusait. Je me souviens qu’elles étaient fières et qu’elles mettaient mes chansons quand elles allaient dans des anniversaires. Et aussi qu’elles étaient jalouses quand je signais des orthographes aux enfants à la fin des concerts. Elles disaient : « Non, pousse toi, c’est ma maman »! Elles hurlaient aussi quand, sur scène, mon partenaire me tuait avec une banane!
Vous avez joué le rôle de Françoise Dolto dans une pièce de théâtre. Quelle leçon importante de Françoise Dolto avez-vous emportée avec vous ?
Je suis si fière d’avoir interprété pendant si longtemps le rôle de Françoise Dolto! J’ai appris beaucoup aussi. Une femme exceptionnelle d’intelligence et de lucidité. Elle a changé le regard porté sur les enfants. Tout ce qu’elle faisait, disait ou écrivait allait dans le sens de la tolérance, du respect, de l’écoute et de l’empathie. Des messages oh combien importants qu’il ne faut surtout pas oublier
c’est simple, dans le métier je suis connue pour les catastrophes! Mais j’ai aussi eu de grands moments sublimes
Si vous pouviez jouer un rôle de fiction, quel personnage aimeriez-vous interpréter et pourquoi ?
J’adorerais jouer Dolto à l’écran! Mais aussi des aventurières, des Indiana Jones au féminin, qui découvrent des trésors, d’anciennes civilisations, des contrées lointaines. Les voyages font partis de mes passions, et j’adorerais que le cinéma m’emmène découvrir de nouveaux pays. J’ai déjà eu la chance de voyager grâce à la scène, l’approche est si différente à l’étranger quand on partage du travail avec les habitants
Sophie, racontez-nous une expérience sur scène, qu’elle soit drôle, émouvante ou surprenante.
Mille anecdotes! La régie qui prend feu, ou le plafond qui s’écroule sous des trombes d’eau, des malaises dans la salle, un type qui voulait se suicider en sautant du deuxième balcon… c’est simple, dans le métier je suis connue pour les catastrophes! Mais j’ai aussi eu de grands moments sublimes, des salles qui se lèvent en larmes après ma pièce « Chagrin pour soi », des papas qui cachent leurs yeux en sortant de mes spectacles pour enfants parce qu’ils ont honte d’avoir pleuré, des enfants qui se précipitent dans mes bras pour m’embrasser, tous les gens qui me disent : continuez, vous nous faites du bien avec vos histoires. Ces grands jeunes hommes et jeunes filles qui me disent: on connaît vos chansons par coeur! La pièce sur mon père que je joue pour la dernière fois à Tours, le soir de son enterrement, devant une salle bouleversée . Et puis aussi la fille de Françoise Dolto, Catherine, qui monte sur scène à la fin d’une représentation du spectacle sur sa mère, et qui me serre dans ses bras en m’appelant: maman!
Comment équilibrez-vous votre vie professionnelle et personnelle en tant que mère ?
Quand mon ex mari est venu vivre avec moi, il avait un jeune fils qui restait plusieurs jours par semaine avec nous, puis très vite nous avons eu nos deux filles. Je me suis donc rapidement retrouvée mère de famille nombreuse, à 42 ans! Il a bien sûr fallu jongler avec les emplois du temps, mon ex mari étant lui aussi comédien, et metteur en scène. Mais on se débrouillait, on se relayait, on laissait les enfants chez des amis, et on les récupérait avec une tripotée de copains quand on revenait! C’était très gai, vraiment très joyeux, même si on était tout le temps crevés, entre les tournées et le travail à la maison. Quand mes filles étaient toutes petites, je les emmenais souvent avec moi en tournée, et elles adoraient ça. Je prenais une baby sitter pour les garder en coulisses le temps du spectacle, et je les récupérais après. Je me souviens de les avoir allaité dans les trains, dans les théâtres, les hôtels. Ça se passait de façon très naturelle, sans que je me pose de questions. Je n’ai jamais cessé de travailler, même enceinte. Quand nous nous sommes séparés, mon ex mari et moi, c’est devenu assez compliqué. Les filles n’avaient que 9 et 11 ans, elles ne pouvaient pas rester seules à la maison, et je croulais sous le boulot. Je me suis retrouvée seule pour m’occuper de tout, n’ayant plus de famille et pas les moyens de prendre quelqu’un à la maison. Alors encore et toujours les amis merveilleux, et moi qui me dépêchais de vite revenir après chaque date. Et puis les filles ont acquis rapidement une indépendance, j’ai su que je pouvais leur faire confiance, qu’elles ne feraient pas d’énormes bêtises durant mon absence ( mais peut être que je ne sais pas tout:) Et elles ont aussi continué à me suivre , lorsque leur emploie du temps scolaire le leur permettait. Je me suis débrouillée. Et finalement on s’en sort bien. On a aujourd’hui une formidable relation, basée sur la confiance et l’échange. On se soutient énormément
Parmi vos talents multiples (comédienne, chanteuse, auteure, etc.), quel est celui que vous chérissez le plus ?
Merci pour « talents multiples »!! J’ai la chance d’avoir plusieurs passions, et je vais de l’une à l’autre avec joie. J’adore jouer la comédie, et aussi chanter, tout ce qui est lié à la scène, à la représentation. J’adore faire rire, et émouvoir aussi, embarquer les gens dans des histoires, dans mon univers. Distraire, pas dans le sens abrutissement pour se vider la tête, mais plutôt « divertissement avec un penchant pour la tendresse, la poésie et l’émotion… » Mais le grand moteur de tout ça, la chose dont je ne pourrai vraiment pas me passer, c’est l’écriture . Elle est synonyme pour moi de liberté, de réconfort, de résilience, d’amusements, d’inventivité. Je pourrai peut être me passer de tout le reste ( un jour je n’aurai peut être plus les capacités physiques pour montrer en scène.), mais pas de l’écriture. Elle est mon amie depuis que je suis enfant
Vous avez écrit un roman intitulé “La Valise”. Pouvez-vous nous donner un avant-goût de l’histoire et ce qui vous a inspiré ?
« La valise » est née pendant le premier confinement. Avant de mourir, un oncle ma donné une valise pleine de photos que je n’avais jamais vues. Des photos de famille, qui remontaient à mes arrières grands parents italiens. J’avais vaguement farfouillé dans cette valise, mais n’avais jamais pris le temps de bien trier les photos. Au confinement donc, je m’y suis attelée. Et pour que mes filles en sachent une peu plus sur tous ces personnages, puisqu’elles ne semblaient pas s’y intéresser pour le moment, j’ai commencé à faire des petites fiches au sujet de chacun, pour les présenter, décrire leurs personnalités, ou raconter ce qu’on m’avait dit sur eux. Très vite, je me suis prise au jeux, me remémorant mille souvenirs avec mes grands parents, ma tante Zette, mon oncle André. Et puis mon enfance, mes parents, la réussite de mon père grâce à la peinture. Et je me suis rendue compte que j’écrivais un véritable roman! La Valise, donc. Mais au delà de ça, et comme tous ces gens étaient partis, je crois que j’essayais de les faire revivre, pour qu’ils ne soient pas tout à fait morts, parce qu’ils me manquaient terriblement
Quel est le spectacle le plus mémorable auquel vous avez assisté en tant que spectatrice ?
J’ai vu tant de spectacles ! Surtout au festival d’Avignon, ou je vais quasiment chaque année depuis plus de trente ans! Mais si on parle d’un spectacle vraiment « spectaculaire », je citerai « The snow Show », un incroyable spectacle du clown russe Slava Poulounine et de sa troupe, qui tourne dans le monde entier depuis de nombreuses années. Un spectacle sans parole, époustouflant de poésie et d’humour, surprenant de trouvailles géniales et d’interactions avec le public. Féerique, tout simplement
j’ai si longtemps accepté des choses qui ne me convenaient pas, des émissions de télé stupides où je faisais semblant de m’amuser
Si vous pouviez remonter le temps et donner un conseil à votre jeune moi qui débutait dans le spectacle, quel serait-il ?
Mon jeune moi débutant aurait eu besoin de bien des conseils. Malheureusement, je ne connaissais personne dans le métier, et j’ai du faire mes propres expériences, pas toujours très valorisantes. Si je devais parler à la jeune fille que j’étais alors, je lui dirais de se faire d’avantage confiance, et d’apprendre à dire non. De peur de ne pas être aimée, de décevoir, j’ai si longtemps accepté des choses qui ne me convenaient pas, des émissions de télé stupides où je faisais semblant de m’amuser, des exigences de travail qui me dépassaient, un rythme effréné même si j’étais épuisée, des partenaires de scène que je trouvais lourds et insupportables, des remontrances venant de personnes que je n’estimais pas du tout et qui pourtant m’intimidaient. Mais je crois que c’est normal, nous avons tous vécu plus ou moins cela à nos débuts. Avec l’expérience, on apprend à s’affirmer, et surtout à savoir ce qui nous convient ou pas. Et à se respecter
Fort heureusement, je ne suis plus humoriste! J’aurais bien du mal à m’en sortir aujourd’hui, avec ce qu’on ne peut plus dire, qu’il vaut mieux ne pas dire, qu’il est de bon ton de dire
Y a-t-il un artiste ou une personnalité que vous rêveriez de partager la scène ou le plateau de tournage ?
Je suis une grande fan des films de Woody Allen. J’ai toujours adoré son humour, et suis fascinée par son intelligence et sa créativité. Évidemment, je rêve de jouer dans un de ses films…Sinon j’aurais voulu être Audrey Hepeburn. La classe, la délicatesse, la beauté et l’humour réunis !
En tant qu’humoriste, quel est le sujet que vous trouvez le plus difficile à aborder en humour, mais que vous avez réussi à traiter avec succès ?
Fort heureusement, je ne suis plus humoriste! J’aurais bien du mal à m’en sortir aujourd’hui, avec ce qu’on ne peut plus dire, qu’il vaut mieux ne pas dire, qu’il est de bon ton de dire, et je ne sais quoi encore. Lorsque je travaillais à la radio et à la télé, il y avait beaucoup moins de censure, et on était pas viré au moindre dérapage. Cela dit, la frontière entre l’humour et la méchanceté est parfois bien tenue, et il est très difficile de rester drôle sans jamais basculer du côté de ce qui peut blesser les gens. Dans les émissions d’humour en tous cas. Car sur scène, que ce soit en pièces ou en chansons, je pense faire rire avec des sujets qui nous concernent tous, sans que quiconque se sente meurtri
Et pour finir, Sophie, si vous pouviez décrire votre vie en trois mots, quels seraient-ils ?
Ma vie en trois mots. AAA! Aventure, Amour, Amusement
Merci infiniment chère Sophie pour cette délicate et émouvante parenthèse AU PASSAGE DES ARTISTES