Benoit Solès, né à Agen, a entamé sa carrière artistique en abandonnant ses études en hypokhâgne pour suivre les cours de Jean Darnel au théâtre de l’Atelier, sous les conseils de Muriel Robin et Roger Louret. Initialement Benoit Etchart, il adopte le nom de jeune fille de sa mère comme nom de scène. Sous la direction de Roger Louret, il débute dans des spectacles musicaux primés aux Molières, tels que La Java des Mémoires et Les Années Twist. Au cours des années 1990, il fait ses débuts à la télévision dans la série Le Juste, suivi de nombreuses apparitions dans des séries télévisées telles que L’École des passions et Plus belle la vie en 2011. Sur scène, il collabore avec Thierry Harcourt et Emmanuel Dechartre au Théâtre 14, participant à des pièces telles que Outrages aux moeurs et Le Talentueux Monsieur Ripley. En tant qu’auteur de théâtre, Solès écrit “Appelez-moi Tennessee” en 2011, où il incarne Tennessee Williams. Il joue également dans Bash avec Sarah Biasini et interprète Cyrano de Bergerac sous la direction d’Henri Lazarini. Sa rencontre avec l’auteur et metteur en scène Tristan Petitgirard en 2015 marque le début d’une collaboration aboutissant à la pièce “La Machine de Turing” en 2018
Art Scène Radio : Qu’est-ce qui a déclenché votre passion pour le théâtre et à quitter vos études (hypokhâgne) pour suivre les cours de Jean Darnel au théâtre de l’Atelier? Quelle fut la réaction de vos proches ?
Benoît Solés : Roger Louret, chef de troupe des Baladins a été déterminant. Il m’a donné la force de « monter à Paris » J’avais attrapé le virus du théâtre en jouant dans « Antigone » d’Anouilh à la fête de mon collège, à Agen
Je suis « tombé » un peu par hasard sur Turing en faisant des recherches sur la symbolique de la pomme
Art Scène Radio : Comment votre collaboration avec Roger Louret dans des spectacles musicaux comme “La Java des Mémoires” a influencé vos débuts en tant qu’acteur dans les années 1990?
Benoît Solés: Roger m’a beaucoup appris. J’étais pas doué, loin de là. J’étais maladroit et n’avais pas confiance en moi. J’ai fait mes premières armes avec lui. Puis je me suis rapidement tourné vers le théâtre et la télévision.
Art Scène Radio : En 2011, vous écrivez “Appelez-moi Tennessee” et jouez le rôle de Tennessee Williams au Théâtre des Mathurins. Quels sont vos inspirations pour écrire sur un sujet ?
Benoît Solés : C’est un choix très instinctif, souvent assez immédiat. Pour Tennessee, ce fut un véritable coup de bluff : Un directeur de théâtre me demande si j’ai une pièce pour deux acteurs. Je dis oui, alors que j’en ai pas. Il dit : « Ça parle de quoi ? » Et comme j’étais en train de lire l’autobiographie de Tennessee, j’improvise : « C’est la rencontre de Tennessee Williams et Marlon Brando ! » Il dit : « Parfait, je peux lire quand ? ». Je dis : « Hum, j’ai pas tout à fait terminé. » Et je rentre chez moi pour écrire la pièce en trois semaines !
Art Scène Radio : Qu’est-ce qui a inspiré l’écriture de “La Machine de Turing” en 2017 et comment avez-vous abordé la représentation de l’histoire d’Alan Turing sur scène?
Benoît Solés : Je suis « tombé » un peu par hasard sur Turing en faisant des recherches sur la symbolique de la pomme. J’ai lu une page Wikipédia évoquant un mathématicien s’étant suicidé en croquant une pomme empoisonnée. C’était bien avant «Imitation game » et la réhabilitation de Turing. J’ai su que j’avais trouvé là « mon » sujet.
Art Scène Radio : Recevoir le Molière de l’auteur et du comédien pour “La Machine de Turing” en 2019 a dû être un moment exceptionnel. Pouvez-vous nous dire ce que cela représente pour vous?
Benoît Solés : De la fierté. Parce qu’au delà de la statuette, de la cérémonie, c’est une récompense décernée par nos pairs. Ces Molières ont fait de la pièce un classique contemporain. Elle est jouée dans 15 pays, et étudiée au lycée. Je l’ai déjà jouée plus de 800 fois et j’espère que j’irai jusqu’à 1000 ! Après, il sera temps de passer le relai !
À 40 ans, j’ai voulu trouver une activité différente : associative, humanitaire… et ce fut l’engagement politique
Art Scène Radio : Quel impact pensez-vous que le théâtre peut avoir sur la société et les individus, en particulier lorsqu’il aborde des sujets comme l’homosexualité d’Alan Turing dans “La Machine de Turing »?
Benoît Salés : À la fin de la représentation, je rencontre le public et dédicace le texte de la pièce, parfois pendant une heure. J’ai vécu des scènes bouleversantes, notamment de jeunes se révélant à leur parents, en me tenant la main. Mais je raconte toujours l’histoire de ce type, à l’allure revêche, qui m’attend à la fin et qui s’avance vers moi. Il bredouille que la pièce l’a bouleversé et… qu’il va rappeler son fils gay qu’il a chassé de la maison, la veille!
Art Scène Radio : En 2014, vous êtes élu conseiller d’arrondissement à Paris. Comment la politique a-t-elle trouvé sa place dans votre parcours artistique?
Benoît Solés : À 40 ans, j’ai voulu trouver une activité différente : associative, humanitaire… et ce fut l’engagement politique. Je suis désormais Conseiller régional d’île-de-France, et je m’occupe notamment de la Maison de Jean Cocteau. Mais contrairement à ce qu’on a pu lire çà et là, je ne coache personne. Et je ne fais pas de politique politicienne !
Art Scène Radio : Vous avez vécu l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015 ( sujet hélas encore d’actualité). Comment cette expérience a-t-elle influencé votre perspective sur votre perception de la vie et des Hommes?
Benoît Solés : On répétait en face des locaux de Charlie. On a « recueilli » puis tenté de réconforter les survivants de l’attentat. Ce fut une expérience tragique, mais aussi d’une vraie humanité, tant les personnes en question étaient dignes. Cette matinée a scellé un lien avec Olivier Sitruk et Tristan Petitgirard qui étaient présents. On n’oubliera jamais.
En explorant le cinéma avec des rôles dans des films comme “Une jeunesse dorée,” comment décririez-vous l’expérience sur le grand écran par rapport au théâtre?
Benoît Solés : Je n’ai que peu d’expérience au cinéma. Ces rôles furent des apparitions dans des films d’amis, comme Michel Blanc. Je reste avant tout -et ça me va très bien- un homme de scène. J’aime passionnément les planches et le rituel du théâtre
Art Scène Radio : Vous êtes actuellement sur la scène du Théâtre Rive Gauche avec “La Maison du loup.” À quoi peut s’attendre votre public . Comment cette pièce s’inscrit-elle dans l’évolution de votre carrière théâtrale?
Benoît Solés : La Maison du loup est une incitation au voyage. À travers la figure légendaire de Jack London, je parle aussi d’inspiration. Plus qu’un simple biopic théâtral, c’est une pièce sur le pouvoir de l’esprit. On parle d’amour, de nature, d’évasion, d’idéaux. Je joue avec Amaury de Crayencour, que vous connaissez, et j’ai écrit le rôle de Charmian pour la magnifique Anne Plantey. Pour ma prochaine pièce, « Le Secret des secrets » , je ne jouerai pas, mais je signerai ma première mise-en-scène. J’ai hâte !
Art Scène Radio : Y a-t-il une anecdote en coulisses ou pendant une représentation qui vous a marqué, que vous pourriez partager avec nous?
Benoît Solés : Il y en a mille ! Un de mes grands jeux est de noter les petits bafouillages de mes camarades. Et eux, les miens, bien entendu !
Art Scène Radio : En tant que président de la Maison Jean-Cocteau, quelles sont vos aspirations pour le soutien à l’art dramatique et culturel en France?
Benoît Solés : Je suis très attaché à l’éducation artistique au collège et au lycée. En IDF, nous faisons beaucoup pour cela et j’en suis fier.
Art Scène Radio : Si vous pouviez inviter trois personnes, à dîner pour discuter de théâtre et refaire le monde, qui choisiriez-vous et pourquoi?
Benoît Solés : Si je peux citer des disparus : Peter Brook, Laurent Terzieff et Koltès. Sinon… Ivo Van Hove, Derek Jacobi, et Tom Stoppard.
Art Scène Radio : Benoit Solés, avez vous un rituel, une petite habitude avant de monter sur scène? Si oui laquelle ?
Benoit Solés : Bon, c’est bizarre, mais… quand je joue Turing, je me maquille en loge et… juste avant de rentrer sur scène…Et j’enlève tout !
Art Scène Radio : Benoit Solés, merci pour cet agréable moment d’échange. Rendez-vous donc sur scène jusqu’au 28 janvier 2024 au Théâtre Rive Gauche avec LA MAISON DU LOUP
La Maison du Loup
Théâtre Rive Gauche – Paris
Jusqu’au 28 janvier 2024
Auteur : Benoit Solès
Artistes : Anne Plantey, Amaury de Crayencour, Benoit Solès
Metteur en scène : Tristan Petitgirard
Résumé
Après La Machine de Turing (4 Molières 2019), la nouvelle création de Benoit Solès. Entrez dans La Maison du loup, le repaire du mythique écrivain américain, Jack London ! Vous y rencontrerez sa partenaire, Charmian, et le mystérieux Ed, porteur d’un lourd secret. Dans un superbe décor, vous verrez ces trois fauves se flairer, se déchirer, puis se réconcilier. Il sera question d’amour, d’idéaux, de révolte, d’instinct de survie et de l’étincelle créatrice… Un voyage au bout duquel vous saurez comment un roman a changé la société américaine