Dans l’univers impitoyable du Paris du XIXe siècle, où ambition, trahison et ascension sociale dictent les lois, Eugène de Rastignac, jeune provincial en quête de gloire, s’interroge : comment réussir quand on est jeune et sans ressources ? Faut-il miser sur les études, les relations mondaines, ou céder aux sirènes du crime ? Ces dilemmes moraux, universels et intemporels, résonnent avec une acuité redoutable dans l’adaptation théâtrale du Père Goriot, chef-d’œuvre d’Honoré de Balzac
Un miroir de l’âme humaine
Sous la direction subtile du metteur en scène David Goldzahl, cette nouvelle adaptation offre au spectateur une plongée sans concession dans l’âme de Rastignac. Le parcours initiatique du jeune homme, écartelé entre ambition et désillusion, est porté par une interprétation poignante de Duncan Talhouët, qui insuffle au personnage toute la complexité de ses tourments intérieurs. Face à lui, Delphine Depardieu incarne avec finesse la tragique Madame de Nucingen, à la fois femme blessée et figure de l’aristocratie déchue. Quant à Jean-Benoît Souilh, il incarne magistralement le Père Goriot, cet homme humble et sacrifié, symbole d’un amour paternel absolu, broyé par la vanité du monde.
Une scénographie envoûtante
Dans cette mise en scène soignée, Charlotte Villermet signe des décors et des costumes qui évoquent avec élégance la splendeur et la décrépitude du Paris balzacien. Le contraste entre les quartiers pauvres et les salons fastueux des aristocrates, entre les rêves d’ascension et les réalités de la décadence, se dessine avec une justesse bouleversante. Chaque détail scénographique est pensé pour soutenir le propos de Balzac, offrant un cadre à la fois réaliste et symbolique à cette fresque sociale.
Un jeu de lumière et de son au service du drame
Les lumières, orchestrées par Denis Koransky, baignent la scène d’une atmosphère tour à tour douce et oppressante, sublimant les moments d’introspection des personnages et les tensions sociales omniprésentes. Le travail sonore de Xavier Ferri accompagne quant à lui les transitions subtiles entre les différentes strates de la société parisienne, accentuant le sentiment d’un engrenage implacable dans lequel Rastignac se trouve pris.
Une réflexion universelle sur la quête de réussite
Le Père Goriot, loin d’être une simple histoire de mœurs parisiennes, nous confronte à des interrogations qui résonnent encore aujourd’hui. Comment réussir dans un monde où la morale vacille sous le poids de l’ambition? La pièce pose ces questions avec une intensité rare, appelant chaque spectateur à une réflexion intime sur ses propres aspirations et compromissions. À travers Rastignac, chacun se reconnaîtra à l’aube de ses propres choix.
Un rendez-vous théâtral incontournable
Pour les amateurs de littérature comme pour ceux qui cherchent à être bouleversés par une réflexion sur la condition humaine, cette adaptation du Père Goriot est un événement incontournable. David Goldzahl parvient à transcender le texte de Balzac en lui insufflant une modernité saisissante, tout en restant fidèle à l’essence de l’œuvre. Le talent des comédiens, la beauté de la scénographie et la puissance du propos font de cette représentation un moment théâtral d’une rare intensité
Le Père Goriot
Théâtre des Gémeaux Parisiens – Paris
À partir du 23 septembre 2024 – 21h00
Scénographie et costumes : Charlotte Villermet
Lumières : Denis Koransky
Son : Xavier Ferri
Artistes : Delphine Depardieu, Jean-Benoit Souilh, Duncan Talhouët
Metteur en scène : David Goldzahl