Versailles, été 1889. Alors qu’il était plongé dans les notes de son piano chez son maître et mentor Gabriel Monod, le jeune Romain Rolland, alors âgé de 23 ans, fit une rencontre qui allait profondément marquer sa vie. Cette rencontre n’était pas fortuite : elle était avec Malwida von Meysenbug, une aristocrate allemande de cinquante ans son aînée, exilée de son pays pour ses idéaux démocratiques. Malwida, une figure prééminente du féminisme et de la pensée libre du XIXe siècle, avait embrassé une vision du monde où liberté, éducation et émancipation féminine étaient les maîtres mots.
Romain Rolland, qui traversait une période de doute et de déboires littéraires, fut immédiatement attiré par cette femme exceptionnelle, dont la personnalité rayonnait par sa force et son indépendance. De cette rencontre naîtra une amitié prolifique et profonde, marquée par une correspondance abondante de plus de 1 500 lettres échangées au cours de quatorze années. Ces lettres ne sont pas de simples échanges, elles représentent un dialogue intense et inspirant, au cours duquel Malwida joua un rôle crucial en révélant à Romain Rolland l’ampleur de son propre potentiel.
Un Destin Hors du Commun
Née à Cassel en 1816, Malwida von Meysenbug appartient à cette génération d’intellectuels européens marquée par les révolutions de 1848. Refusant de se plier aux conventions de son temps, elle s’engagea pleinement dans les luttes pour la démocratie et les droits des femmes, ce qui la conduisit à l’exil. De Paris à Rome, en passant par Londres, elle fréquenta les plus grands esprits de son époque : Mazzini, Wagner, Nietzsche, et bien d’autres. Son influence s’étendait au-delà des cercles intellectuels qu’elle fréquentait ; elle incarnait un idéal de vie et de pensée qui inspirait tous ceux qui la côtoyaient, y compris le jeune Romain Rolland.
Malwida, dans ses *Mémoires d’une idéaliste*, retrace ses luttes et ses rencontres, mais c’est dans sa relation avec Rolland que sa capacité à influencer et à « créer » un esprit à son image se révèle pleinement. Rolland lui-même reconnaîtra à la fin de sa vie : « L’ami qui vous comprend, vous crée. En ce sens, j’ai été créé par Malwida. »
Romain Rolland : De la Jeunesse au Prix Nobel
Romain Rolland, né en 1866, était un esprit en quête. À la fois musicologue, écrivain et futur prix Nobel, il cherchait encore sa voie à la fin des années 1880. Son amitié avec Malwida von Meysenbug devint une boussole morale et intellectuelle. Elle le guida à travers les tumultes de ses premières années littéraires, l’aidant à affiner ses idées et à croire en son propre génie. Cette relation, bien plus qu’une simple amitié, devint un socle sur lequel Rolland bâtit sa carrière et son œuvre immense, qui toucherait à une multitude de domaines, de la littérature à la philosophie, en passant par la politique et la musicologie.
En 1915, Rolland recevra le prix Nobel de littérature, une consécration qui reconnaît non seulement son talent, mais aussi l’héritage intellectuel de figures comme Malwida qui ont su l’inspirer et le soutenir.
La Pièce “Malwida” : Un Hommage à Deux Esprits Universels
La pièce « Malwida », écrite par Michel Mollard et mise en scène par François Michonneau, explore cette rencontre fondatrice entre deux figures majeures de la culture européenne. Elle fait revivre, sur les planches du Studio Hébertot, non seulement une époque mais surtout une relation qui transcende le temps. Bérengère Dautun, ancienne sociétaire de la Comédie-Française, incarne Malwida avec une profondeur qui rend justice à cette femme d’exception, tandis qu’Ilyès Bouyenzar, dans le rôle de Romain Rolland jeune, allie avec brio ses talents de musicien et de comédien.
Cette pièce, qui suit le succès de « Dernières notes » du même auteur, rappelle au public contemporain l’importance de l’idéalisme et de la quête de la vérité artistique, valeurs incarnées par Malwida et Rolland. En redonnant vie à leur dialogue, Malwida invite à une réflexion sur le pouvoir de l’art, de l’amitié et de la transmission intellectuelle. Ce faisant, elle nous rappelle ce qui fait défaut dans notre époque : un esprit d’universalité et une quête désintéressée de la beauté et de la vérité, capables de résister aux forces matérielles qui dominent trop souvent notre monde.
Avec Malwida Michel Mollard offre un hommage poignant et nécessaire à ces figures lumineuses, en espérant que leurs idées et leur héritage continuent d’inspirer les générations futures, comme elles ont inspiré et « créé » Romain Rolland.
Relation presse : Alain Pons – Alain Pons – Attaché de Presse