Dans une réinterprétation audacieuse et éclatante, le metteur en scène Loïc Labaste transcende les conventions classiques de “Cyrano de Bergerac” en plongeant l’œuvre d’Edmond Rostand dans l’univers scintillant et effervescent du music-hall. Cette vision novatrice, loin de trahir l’essence de la pièce, en exacerbe la quintessence poétique et dramatique par l’entremise de chorégraphies exubérantes, de playbacks envoûtants, et de numéros comiques délicieusement orchestrés.
À 21 ans, le protagoniste, Hercule Savinien de Cyrano de Bergerac, incarné avec brio par Charly Paillet, subit l’affliction d’un complexe narcissique exacerbé par l’hyperbolique protubérance de son nez. Ce stigmate facial devient le vecteur de son dilemme existentiel, entravant son élan amoureux vers la divine Roxane, magnifiquement interprétée par Noémie Ducuing. Paillet parvient à illustrer avec une finesse exquise le combat interne de Cyrano, oscillant entre vulnérabilité émotive et bravoure verbale.
Labaste, par son génie créatif, métamorphose la scène en une arène où les frontières entre théâtre et spectacle se dissolvent. Les danses chorégraphiées avec une précision millimétrique par Yvan Bonnin-Manoux, se fondent harmonieusement avec les dialogues en alexandrins, conférant à chaque mouvement une résonance poétique. Hugo Schnitzler et Loïc Labaste, dans leurs rôles respectifs, ajoutent une dimension d’humour et de légèreté, contrastant avec la profondeur tragique de l’intrigue principale.
Ce dispositif scénique opulent et ses choix esthétiques audacieux ne sont pas de simples ornements. Ils participent intrinsèquement à la redécouverte de l’intemporalité de la pièce. La mise en scène déploie une fresque vivante et vibrante où chaque élément — lumière, son, gestuelle — devient un vecteur de signification, amplifiant le texte de Rostand d’une manière inédite et viscérale.
Face aux diktats tyranniques de la beauté physique, Cyrano se réinvente en héros transcendant, un parangon d’authenticité et de panache. En prêtant ses mots à Christian, il se fait l’éloquence même, sublimant ses propres sentiments à travers l’amour qu’il porte à Roxane. Cette dialectique du visible et de l’invisible, du dit et du non-dit, trouve une résonance profonde dans l’âme du spectateur contemporain.
Le succès de cette mise en scène réside dans sa capacité à réactualiser les thèmes universels de l’amour, de l’acceptation de soi et du courage. La puissance expressive de cette production émeut et fascine, tant par sa flamboyance visuelle que par la profondeur de son interprétation. En définitive, Loïc Labaste signe ici une œuvre magistrale, où la splendeur du verbe et la magnificence du spectacle se conjuguent pour offrir au public une expérience théâtrale d’une rare intensité.
“Cyrano de Bergerac” sous l’égide de Labaste n’est pas simplement un hommage à Rostand, mais une célébration de l’art théâtral dans toute sa grandeur et son exubérance. Un rendez-vous incontournable pour les amoureux du théâtre, de la poésie et du spectacle vivant.
Cyrano de Bergerac
Espace Alya – Salle A – Avignon
Auteur : Edmond Rostand
Artistes : Charly Paillet, Noémie Ducuing, Yvan Bonnin-Manoux , Hugo Schnitzler, Loïc Labaste
Metteur en scène : Loïc Labaste