Derrière un titre culinaire faussement anodin, Le Cake aux Olives cache une comédie d’une remarquable maîtrise, où l’absurde et le burlesque s’entremêlent pour offrir aux spectateurs une expérience théâtrale des plus savoureuses. Mis en scène par Éric Laugerias et signé par Jérôme de Verdière, ce spectacle est un joyau d’ingéniosité dramatique, transcendé par l’interprétation délectable de Bernard Mabille et Philippe Chevalier. Ces deux monstres sacrés de la scène française déploient ici tout leur savoir-faire avec une aisance qui ne peut que ravir les amateurs de théâtre comique.
La pièce s’ouvre sur un tableau détonant : Bernard, dans une posture à la fois cocasse et inquiétante, nettoie un Glock semi-automatique tout en écoutant la cinquième symphonie de Beethoven, un contraste audacieux qui annonce le ton surréaliste de la comédie. L’arrivée inopinée de Philippe, un voisin débordant d’énergie, marque le début d’un duo aussi improbable que jubilatoire. De cette rencontre fortuite jaillit un enchaînement de situations incongrues, magnifiées par des dialogues ciselés et un rythme implacable. Le talent de Verdière réside dans sa capacité à mêler l’ordinaire et l’extraordinaire, à jouer des codes du quotidien pour mieux les détourner, créant ainsi une tension comique qui ne faiblit jamais. Le choix de cette petite scène intime, nichée au cœur du Théâtre de Passy, amplifie l’effet immersif, plongeant les spectateurs dans un huis clos où chaque réplique, chaque silence, chaque geste trouve sa résonance
Bernard Mabille et Chevalier, avec une alchimie palpable, se livrent à un véritable ballet drolatique, leur gestuelle précise et leur diction parfaitement millimétrée révélant tout le potentiel burlesque de leurs personnages. Bernard, sous ses airs faussement stoïques, cache un tempérament volcanique que l’irruption inopinée de Philippe fait progressivement émerger. De là naît une dynamique explosive, une série de quiproquos et de malentendus qui font écho aux plus grandes heures du vaudeville.
Mais au-delà de l’humour et des éclats de rire, Le Cake aux Olives pose également un regard acéré sur les travers de la société contemporaine. Derrière la farce se devinent des thématiques plus profondes : la solitude urbaine, la quête de sens, ou encore l’absurdité des relations humaines, comme en témoigne l’échange, aussi cocasse que poignant, autour de cette arme, symbole dérangeant dans un contexte où tout semble prêt à dérailler
La mise en scène d’Éric Laugerias est, quant à elle, d’une efficacité redoutable. Épurée, dynamique, elle laisse toute la place au jeu des acteurs tout en exploitant à merveille l’espace scénique, renforçant ainsi l’impression d’urgence qui émane de cette pièce. Chaque mouvement est calibré avec une précision chirurgicale, chaque détail – de la musique à l’éclairage – participe à créer cette atmosphère à la fois légère et oppressante, où le rire se fait souvent libérateur. En somme, Le Cake aux Olives est une véritable réussite, une comédie fine, intelligente et désopilante qui confirme le génie de Jérôme de Verdière pour les situations absurdes et l’art de la réplique. Les spectateurs, qu’ils soient amateurs de théâtre classique ou de comédies contemporaines, ne pourront qu’être séduits par ce duo infernal et par cette pièce, qui se savoure avec autant de plaisir qu’un véritable cake aux olives.
Ne manquez pas cette tranche de rire, un rendez-vous théâtral d’une qualité rare qui, assurément, laissera un goût exquis dans l’esprit des spectateurs
Le Cake aux Olives
Avec Bernard Mabille et Philippe Chevallier
Au Théâtre de Passy – À partir du 28 octobre 2024
Auteur : Jérôme de Verdière
Artistes : Bernard Mabille, Philippe Chevallier
Metteur en scène : Eric Laugerias