Nous avons le plaisir d’accueillir DJAMEL SAÏBI, un Artiste polyvalent dont le parcours depuis la remise du premier prix de jeunes humoristes en 1995 a été marqué par une évolution étroitement liée à son cheminement personnel. De l’écriture de pièces sensibles et engagées à sa collaboration avec des compagnies théâtrales telles que La Déesse Compagnie, [Nom de l’artiste] nous offre un aperçu fascinant de son engagement envers le théâtre contemporain. À travers cette interview, nous explorerons son processus créatif, ses inspirations et son impact sur la société.
L’INTERVIEW
Art Scène Radio : Comment décririez-vous l’évolution de votre carrière depuis que vous avez remporté le premier prix de jeunes humoristes en 1995?
Djamel Saïbi : Je dirais qu’elle a été en étroite évolution avec mon cheminement personnel. Après ce prix et mon One Man Show co-écrit avec Henri Tisot, l’envie de transmettre, de partager mon intérêt pour l’expression théâtrale, ma conviction qu’elle joue un rôle essentiel dans l’épanouissement personnel de chacun était devenue ma priorité. C’est ainsi que je me suis tourné vers l’enseignement auprès d’un public très large et varié. Et puis, j’ai découvert l’écriture de Philippe Minyana. Celle-ci faisait écho à mes mots intérieurs. Alors, j’ai monté “Chambre”. Et j’ai écrit. Tout d’abord pour mes élèves et ensuite pour tous. C’est ainsi que j’ai écrit et monté « EXIT »et « Les Ecchymoses Invisibles ».
Qu’est-ce qui vous a inspiré à vous tourner vers un théâtre contemporain sensible, social et engagé, et comment cela se reflète-t-il dans vos productions?
L’expression de ma personnalité. Depuis toujours, je souffre des inégalités auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement. La solitude, l’isolement, les maladies physiques et psychologiques, la difficulté pour un enfant de devenir adulte, la souffrance des personnes âgées en perte d’autonomie… Tant de maux qui sont sources d’inspirations dans mes écrits.
Pouvez-vous partager votre expérience de travailler avec des établissements scolaires, des foyers de travailleurs immigrés et des hôpitaux pour sensibiliser et prévenir à travers le théâtre ?
Que de très belles expériences !!! Quel émoi de voir un tout petit de 4 ans s’exprimer sur une scène de théâtre, de parler librement des infections sexuellement transmissibles avec des immigrés non francophones, de voir un sourire s’afficher sur le visage des patients en chambre isolée à l’hôpital ! Toutes ces expériences très différentes ont en commun la libération de la parole, l’échange, la communion.
Quels sujets sociaux et engagés abordez-vous dans vos œuvres, et comment espérez-vous qu’elles impactent le public ?
Le coma et les troubles du comportement alimentaire dans « EXIT », les violences conjugales et intrafamiliales dans « Les Ecchymoses Invisibles », la difficulté d’être un aidant familial et d’être un aidé en perte d’autonomie dans « Il suffit d’une main posée sur une épaule ». L’impact espéré est de mettre en exergue des drames souvent dissimulés.
Parlez-nous de votre collaboration avec Emma Dubois et La Déesse Compagnie pour monter des projets touchant des thèmes tels que le VIH, le cancer, la drogue, etc.?
Ma rencontre avec Emma Dubois s’est faite, il y a plus de 30 ans quand nous étions tous les deux élèves comédiens. Tout de suite, nos professeurs nous ont fait jouer ensemble. Ils avaient dû probablement déceler en nous un merveilleux binôme ! Emma et moi avons une sensibilité commune et une vision similaire sur le rôle social du théâtre. La Déesse Compagnie est une compagnie fontenaysienne, ma ville d’origine. Elle est engagée, elle aussi, dans des missions de sensibilisation et de prévention. C’est ainsi qu’elle a mis en place plusieurs pièces-débats sur les sujets cités ci-dessus.
Comment avez-vous abordé des sujets délicats tels que le rôle des aidants auprès de personnes en situation de handicap et la lutte contre les violences faites aux femmes dans vos créations ?
Les coïncidences de la vie font qu’Emma et moi avons tous les deux travaillé en maisons de retraite quand nous étions jeunes pendant nos études. Ce travail nous a très vite sensibilisé à la situation des personnes âgées, très souvent isolées. En 2014, j’ai rencontré une collègue dans l’établissement scolaire où je travaille toujours qui vivait une situation familiale difficile avec son ex-mari. Echappant à des violences conjugales, elle a dû mener un combat des plus ardus pour s’en sortir et préserver ses enfants. Parallèlement à ça, Emma a recueilli une maman avec ses trois enfants qui fuyaient une situation dramatique. Ce sont toutes ces expériences et toutes ces rencontres qui s’expriment dans nos créations.
En tant qu’auteur et metteur en scène, quelles sont les principales influences artistiques qui se manifestent dans vos œuvres ?
Je dirais principalement la danse et la musique. Elles tiennent toutes les deux un rôle essentiel dans la perception que j’ai de mes créations. Elles font parties intégrantes de mon processus d’écriture. Les autres influences me viennent de la vie de tous les jours, des rencontres, des échanges, des regards, …
Pouvez-vous nous parler du processus d’écriture et de mise en scène de certaines de vos pièces, comme “Exit” et “Les Ecchymoses Invisibles“?
L’écriture s’impose à moi. Pour « EXIT », par exemple, la phrase “Je vais vous quitter ma chère” trottait dans ma tête. Je l’ai donc écrite. A peine mon stylo posé sur la feuille que le reste de la pièce fut écrite dans la foulée. C’était presqu’uneécriture automatique. Je ne savais pas à ce moment-là que j’allais parler du coma et des troubles du comportement alimentaire. Pour « Les Ecchymoses Invisibles », c’est la rencontre avec Florence Plazer, ma collègue qui vivait des violences conjugales qui m’a décidé à aborder ce sujet afin de rendre ces violences conjugales et intrafamiliales, souvent dissimulées, visibles aux yeux du public. Pour la partie mise en scène, je me laisse porter par l’énergie et la sensibilité des interprètes. Je suis toujours à la recherche d’une émotion qui soit en symbiose totale entre le-la comédien-ne et le personnage. Pour moi, ils ne doivent faire qu’une seule et même personne.
Comment percevez-vous le rôle du théâtre dans la société contemporaine, en particulier en ce qui concerne la sensibilisation à des problématiques sociales importantes ?
Je le perçois comme un rôle majeur. Tout comme dans les tragédies antiques, le théâtre permet de réfléchir à différents problèmes sociaux, psychologiques, politiques. Il permet la sensibilisation de tous ces sujets et d’ouvrir le débat, la réflexion.
Parlez-nous de « N’IMPORTE OÙ HORS MONDE » ?
« N’importe où Hors du Monde » est une pièce écrite avec beaucoup de poésie par Sarah McKenna et magnifiquement interprétée par Emma Dubois.
C’est avant tout, l’histoire d’une femme. Alors que la guerre éclate, cette femme se retrouve seule chez elle à attendre le retour de son fils parti au front. Cette longue attente est l’occasion pour elle d’extérioriser ce qui l’emprisonne intérieurement depuis des années : son rapport à la maternité, son rôle de mère, son rôle d’épouse, son rôle de maitresse… Tous ces rôles se bousculent en elle, se livrent une guerre intérieure qui ne demandent qu’à se libérer en quête de paix et de sérénité.
J’ai tout de suite été saisi par ce combat de femme. A la lecture de la pièce de Sarah, je me suis immédiatement replongé dans mes souvenirs d’enfant quand j’allais en vacances en Algérie. La luminosité, les senteurs, les femmes toutes de blanc vêtues, les musiques envoûtantes. Tous ces souvenirs allaient constituées ma mise en scène. C’est pourquoi sur scène, il y a un diffuseur d’odeur afin que le spectateur soit enivré par ces senteurs qui elles-mêmes avaient enivré mon enfance.
Quels sont vos projets futurs en tant qu’artiste, que ce soit dans l’écriture, la mise en scène ou d’autres domaines du monde du spectacle ?
Avec Emma, nous allons jouer de nouveau, notre pièce « Mon corps a 50 ans » le 1er mars à l’occasion de Mars Bleue à Vernouillet. C’est une pièce de sensibilisation et de prévention sur les cancers, colorectal, du sein et du col de l’utérus. Du 05 mars au 30 avril, ma dernière création “HARPER & JOE Angels from America” sera présentée au théâtre PIXEL dans le 18ème arrondissement de Paris. Je serai également sur scène le 24 avril à Sartrouville dans « Quelle tenue ! », une adaptation de deux pièces de Georges Feydeau que j’ai faite en collaboration avec Laurence Le Dantec, qui est également ma partenaire de jeu, et dont la mise en scène est signée Emma Dubois. Et enfin « N’importe où Hors du Monde » est toujours sur la scène du Guichet Montparnasse à Paris jusqu’au 28 mars, tous les jeudis à 19h.
Merci à vous Djamel Saïbi, à très bientôt sur scène
N’IMPORTE OÙ, HORS DU MONDE
Actuellement au Guichet Montparnasse
Une femme “en guerres”.
Seule en scène émouvant d’une femme qui nous dévoile son parcours de vie. Au coeur d’une ville en guerre, cette femme libre et obstinée, contradictoire et fragile, est prête à bousculer tous les codes. Mais saura-t-elle résister à la folie des hommes ?
Artiste : Emma Dubois
Metteur en scène : Djamel Saïbi